Un jet de fléchette au curare avant le « Rendez-vous », barbouillé par sa course, Fanfan trop éprouvé pour éprouver de la honte n’y tint plus, il mentit donc !

Mon père ! Attendez ! J’ai avalé une mouche.

Bluuuuuuuuuuuuuuuuur

Et vomit enfin.

Par la sainte croix ! C’est du sang ?

Non : deux fraises du jardin et deux mures des bois ! Pourquoi ?

Blur

Jaune canari maintenant : c’est la bile !

Rhaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa 

Mais ne me regardez pas !

Ça allait pourtant mieux : ses tempes ne pulsaient plus l’alcool, la route ne clignotait plus. Restaient les yeux roses troubles et le filet de bave.

je ne te regarde pas je te tend mon mouchoir !

Personne ne m’a vu ?

Personne !

pic

Une abeille piqua les fesses du curé !

Aie ! Une abeille m’a piqué les fesses !

Parce que vous mentez ! Rementez pour voir !

La bande de la belote s’est déjà donné rendez-vous devant le rendez-vous ! Pour quel spectacle je l’ignore !

Pic pic ♠ ♠

Aie ! Aie ! Mais tu les dresses ?

Deux ? Ça pique ou ça pince ? C’est peut-être une fourmi d’Amazonie.

Une rafale de deux !

Un réducteur de têtes ! Il augmente les doses !

Tu vois quelque chose ?

Gaxuxa n’a pas encore ouverts ses volets pour aérer les chambres !

D’accord mais là tu dis la vérité ! Fais-toi piquer pour voir !

Je vais rentrer m’ acheter un croissant chaud avant que mon ventre ne se mange lui-même !

Ton père ne te l’a pas interdit ?

« Raison de plus . » pensa Fanfan.

Et vous ?

Moi je ne te le conseille pas.

Je ne vais quand même pas y envoyer quelqu’un d’autre a ma place ?

Je vais m’en prendre un aussi. Ils sentent drôlement bon ! Ce sont ceux de Madeleine ?

Ce sont ceux du boulanger ! Madeleine ne les fabrique pas !

J’ai donc menti et aucune abeille ne m’a piqué. En avant ! Traversons d’abord : on regarde a gauche si il n’y a pas de vélo puis a droite si il n’y…

Fanfan traversa.

Ce ne sont pas des vélos mais des regards dont vous avez peur !

Jésus entrait dans toutes les maisons, même des collecteurs d’impôts !

Donc quand nous serons a hauteur de porte, moi je continue tout droit ? Sans regarder ? Gaxuxa m’a bien regardé vomir elle ?

Oui, moi, je pars en crabe, je rentre, j’emporte et je te rejoins d’un bond d’écureuil ! Pas le temps de bader !

Je vais vous attendre a la table de la belote. Contrairement a la boulangerie, vous n’aurez pas de croissant si vous ne prenez pas de café ! N’allez pas vous brûler !

Oh non ! Nous y sommes presque !

Vissez votre chapeau ! Lissez votre croix ! C’est une bonne idée de rentrer de côté mais attention que rien ne s’accroche aux guirlandes attrape-mouches !

Tu veux dire que toutes ses belles bandes sont autocollantes ?

Vous avez besoin de moi pour traverser l’arc-en-ciel ! Et même au-delà, a l’abri des regards, c’est vous qu’on va manger !

Je vais demander qu’on vienne te servir un petit déjeuner digne d’un roi a la table de la belote et nous la bénirons !

Un roi c’est courageux : je rentrerai les bras en croix en Terra incognita !

Donne moi la main ! On ne s’arrête pas !

J’entends le vélo de Bébert grincer ! Ne touchez pas a sa table !

Non Fanfan : on retraverse la route sans le regarder et on plonge dans la vallée pourquoi reprendre toujours les chemins sinueux !

J’entre par dessous ! Faute de porte je frapperai sur le comptoir !

Mais on dirait que mon arc en ciel a laissé passer un petit singe-araignée ! Bonjour !

Un écureuil madame, mon panache est entré avec moi ! Jourbon !

Le bar n’est pas encore ouvert, j’aérai seulement. Mais il y a du café chaud !

Du vrai, cueilli hier en Amérique du Sud.

Votre chiffon a miroir ne couine plus, vous voulez que je vous l’imbibe d’alcool ?

Bouilli par le bouilleur de cru il y a peut-être cent ans.

Fais moi passer les mignonnettes posés sur le comptoir, ça m’évitera de descendre de mon tabouret.

Je dois vous prévenir que l’on voit encore des traces d’en bas !

Fanfan cherchait du regard les croissants de Madeleine. Il n’avait que l’odeur. Gaxuxa qui elle cherchait a croiser son regard a travers le miroir s’étonnait qu’ un garçon de son âge ne lui regarde pas les fesses (qu’elle agitait pourtant).

Je finirais plus tard, je vois dans mon miroir le curé sortir du ruisseau, je ne voudrais pas que la première chose qu’il voit en entrant soit mes fesses !

Vous n’allez pas desescalader ce vieux tabouret qui grince sans demander de l’aide ? Je viens vous le tenir !

Assied-toi ! Je suis bien montée toute seule. C’est la balançoire dans la cour que le vent balance, je vais l’arrêter.

Il n’y avait pas de vent, la Tatie peut-être.

Si c’est pour changer de robe pour une plus longue, vous êtes derrière un comptoir maintenant !

Plus courte ? Mh…Pour une moins moulante ! Je reviens ! Surveille les taches.

Le tabouret grinça, les escaliers grinçèrent la balancoire s’arrêta toute seule.

Les escaliers ?

Celle qui devait entrer dans la cour montait aux étages tandis que celui qui sortait du ruisseau entrait, dans un fracas inimitable, en terre incognita comme une grenouille exécute sa première brasse.

Mesdames !

Personne : Fanfan qui se battait déjà premièrement pour garder sa joue tuméfiée sur sa main deuxièmement pour que son coude ne glisse pas sur le comptoir ne put se rajouter une troisième contrainte et tourna sa tête pour sourire . Il n’y avait pas plus de dames au bar que de « Jenesaispas quoi » au pays pasjenesaispasquoi des » jesaisquoi ». Il n’y avait même absolument personne a part eux deux

Le curé claqua de la langue et du respirer a nouveau pour souffler :

ben il n’y a personne ?

ben il y a moi, et puis il y a vous ça fait deux.

Fanfan qu’est-ce que tu fais ? C’est du rhum sur le comptoir ?

C’est de l’alcool a quatre vingt dix degrés.

Tu ne t’es pas servi tout seul quand même ?

Mon père, c’est moi qui bois et c’est vous qui délirez ! Gaxuxa nettoyait le miroir derrière les mignonnettes, là sur l’étagère !

C’est nettoyé derrière les mignonnettes ? Je n’ai jamais rien vu d’aussi sale !

Mais si asseyez-vous !

Malgré ses hauts talons on entendait sur le plafond (mais venant du plancher a l’étage au dessus je vous rassure) les pas glissés d’un non seulement chat chassant mais également se chaloupant nonchalamment . A peine moins lourd que la plume de votre serviteur peine a ne pas l’être. Un robinet s’ouvrait , une chaussure tombait. brosse tombait

J’imagine la hauteur des lilliputiens a qui on doit servir des bouteilles de cette hauteur là !

Je nous ai commandé deux bocks de rhum a la poudre de canon ! La tavernière n’a pas de culotte !

Tais toi ! Elle descend l’escalier !

Et descendit a la cave, et remonta, et redescendit a la cave, boudant a chaque fois le rez- de-chaussée. Une minute passa, puis deux, puis trois.

J’aurai dû rajouter « Et que ça saute ! »

Et pas de « Vous me plûtes et vous m’épatâtes », tu me laisses parler. 

A midi elle fait des frites !

Fanfan ! J’espère que tu n’as jamais mangé ici ! Si ton père te voie !

Très bonnes !

Un chat passa. Le curé l’appela le chat, Fanfan le chat pelé.

Quatre, cinq, six minutes. Fanfan s’endormit, le curé cogita « Bonjour Madame », « Café, Croissants, Merci », « Au revoir Madame », quand Gaxuxa sortit enfin.

C’est vous ? Gaxuxa ?

Le prêtre qui, en sortant de sept minutes de silence total si on excepte Fanfan sciant une buche de sans un seul vol de mouche, ne s’attendait pas a tomber sur un visage connu en titubadutibia presque ! 

Alors Gaxuxa qui n’avait pas trouvé une seule robe longue et ample dans tous les étages et n’avait pas envie de faire le tour du comptoir en peignoir lança la conversation comme si de rien n’était en espérant que cela s’arrange.

On dirait que votre Fanfan a préféré s’endormir sur mon comptoir plutôt que vous rejoindre dans votre ravin !

Ma vallée ! Je préfère dévaler ma vallée qu’un ravin aviné Ce n’est pas mon enfant puisque voyez, je porte une robe ! Mais je ne l’aurais pas renié !

A ses mots Fanfan tendit sa main vers la poche kangourou du curé pour y reconnaître son carnet papillon

Dans ce cas vous seriez diacre et je vous aurais demandé de me prêter votre robe. Vous n’en auriez pas besoin dans vos vallées.

Vous avez quitté Merlan-cloche a quel âge ?

Seize ans !

Comme moi.

Vous n’étiez pas né !

Il a été long le chemin avant de devenir prêtre mais aujourd’hui me revoilà ! L’enfant du pays !

Et voilà : a peine remis en selle l’homme de la vallée parlait de lui mais comment faire des courbettes de curé quand on sait que ce que Gaxuxa avait fait en Argentine et ce qu’elle faisait là était sujet inabordable.

Vous êtes arrivé au printemps, je réalise que j’aurai du venir vous voir plus tôt.

Mais voilà qui est réparé !

Bon retour a Merlan-cloche Gaxuxa !

Au fond de la cour a gauche !

Pardon ?

Les toilettes ! Celle a droite c’est la sortie !

Comme pour rajouter au malaise, Fanfan demanda sans lever le nez de sur ses bras croisés

Je viens avec vous voir vos fesses mon père ?

Fanfan parlait en dormant défaut qu’avaient certains qui rêvaient a côté d’une espionne.

Non Fanfan rendors toi !

C’est là que le curé aurait du dire « Ce n’est pas ce que vous croyez ! » et Gaxuxa lui répondre « Je sais pour l’abeille car j’écoute a ma porte. » mais c’est tout autre chose qui intrigua :

Vous endormez un Fanfan en passant juste votre main sur sa nuque ? Vous m’apprendrez !

Enfin ! Une perche !

Vous avez des enfants Gaxuxa ?

Ernest ! Vous ne connaissez pas Ernest ? Je ne l’ai pas fait moi-même c’est mon neveu ! Il travaille pour le boucher depuis trois mois !

Non : il me l’a bien caché le cochon !

Oh ce n’est pas le genre qu’on arrive a traîner a la messe, ou si vous le voyez y entrer, c’est pour faire une bêtise !

Vous faites bien de me prévenir, je vais fermer mes portes ! Ah je ne vous ai pas dit : Fanfan est le fils du boucher.

Ah le fameux petit ange ? Celui qui ne quitte jamais ses livres ?

Il a servi au château ! Ça le sort de sa chambre

j’essaie de faire rester Ernesto dans la sienne en lui lisant des livres !

Je ne vais pas vous raconter d’histoires : je suis très pressé !

Ne vous asseyez pas !

Et pourquoi ? Ce n’est pas propre ?

Je peux vous prêter un miroir ! Propre !

J’ai ramené de dans le ruisseau deux feuilles que je pourrai enrouler en cornet, si vous vouliez bien y verser deux cafés !

Mais je peux bien vous prêter deux tasses ! Propres !

Et deux croissants ?

Les croissants sont pour un voyageur qui a dormi a l’hôtel, mais il y en a trois, j’arrangerai ça !

Vous devez me trouver très impoli mais nous devons aller chercher la nouvelle bonne a la gare.

Je vous excuse : vous êtes possédé ! Il est tellement beau ! Même avachi !

Allô ? Merlélécloche appelle tribu des Toutavashis.

Fanfan ! Enroule au moins tes cannes : les chaises sont hautes ! Tu es tout avachi !

Fanfan de la Chez moi les indiens disaient : « Ne réveille jamais un Fanfan qui rêve ! »

Les indiens d’Amérique ?

Oui : je viens d’Amérique !

Je l’ignorais !

Je débarque comme le dira l’expression ! Aie !

On est arrivé un peu avant eux mais ne vous inquiétez , pas de cette Amérique là ! Celle du Sud !

Je ne m’inquiète pas : j’ai tenté de m’asseoir !

Menteur !

Il rêve ! Ne faites pas attention ! C’est du sucre ?

Non : du sel !

Je peux ?

Nous en avons des lacs entiers ! Vous buvez votre café salé ?

Froid ! Fanfan réveille-toi ! On s’en va !

Mais mon père ! On a de la marge ! Multipliez des croissants !

Il ne vous écoute pas.

Pas quand il dort. Là il émerge !

Ça lui a plu serveur ? Nous en manquons.

Il veut faire curé : il va finir au dessus d’un seul livre lui qui les aime tous.