Crouic crouic crouic
Vous pouvez vous éloigner s’il vous plaît ? Vous me faites de l’ombre !
Où tu cours comme ça, beauté ?
Beauté comme les filles ou botté comme les chats ?
Où tu cours comme ça, l’épouvantail ?
Même si je le savais, je ne vous ne le dirais pas.
Moi je peux te dire que dans ce sens tu vas vers le « nez a nez » avec la patrouille.
Je ne vous ai jamais vu. D’où vous sortez ?
De la forêt, par le chemin des chèvres.
Lequel des chemins des chèvres ? Il y a en a pleins !
Je sors de la forêt et je te conseille d’y entrer avec moi avant le prochain tournant.
Les allemands je les connais. Vous, je ne vous connais pas.
Alors je me présente : Ramouncho.
Le roi de la montagne ?
Quand il embrasse une femme, je sais.
Bûcheron ?
Pourquoi bûcheron ?
Votre hache a la ceinture !
Gardien de vaches ?
Pourquoi gardien de vaches ?
Ton bâton !
Si le curé l’a jeté dans la rivière, ce n’est pas pour que votre castor me le ramène.
Chien de berger ! Le meilleur qui soit !
Alors heureusement que vous lui avez plus souvent marché sur la queue plutôt que sur la tête !
Pourquoi tu as assommé l’allemand !
Parce que j’en avais envie depuis longtemps !
Ah ah ! C’est une joli réponse ! Tu me plais fiston !
Paf
Hé ! Pas de tape dans le dos, on n’ a pas abattu les arbres ensemble. Et puis je ne suis le fiston de personne.
Tu es maigre comme un clou, elle ne te nourrie pas ta mère ?
Non, vu que je n’en ai pas.
Ta tante, c’est pareil.
Ce n’est pas pareil, une mère, on sort de son ventre.
Ah ah ! Et une tente on y entre ! Une tente Ah Ah Ah !
Paf
Aie ! Le coup d’épaule c’est pour que la blague rentre mieux ?
Oui : dans ton cul !
Paf
Allez hop ! Cours te cacher, je te suis !
Je ne suis pas un âne qu’on tape sur le cul pour le faire avancer. Je suis l’apprenti curé !
Toutes mes excuses votre altesse.
Acceptées !
Je ne parlais pas d’une tante qui s’ habille en robe comme les curés !
Rodrigue !
Quoi Rodrigue ? J’ai voulu plaisanter c’est tombé a l’eau !
Comme votre panier ? Parce que heureusement qu’il est tombé a l’eau : c’est déjà plein d’allemands là bas !
Oui : merci la tante !
Je me demande si vous n’êtes pas le père de Rodrigue : vous êtes son portrait tout craché.
Parce que ce n’est pas toi qui se fait appeler Rodrigue ?
Ce débile moche comme un poux ! Non, heureusement !
Tu l’as dit : j’allais te la couper !
Hein ? Quoi ? La langue ? Pourquoi ?
Parce que la marchandise a explosé. Pourquoi la marchandise a explosé ?
Ah non ce n’était pas pas la langue ! Parce que les grenades explosent seulement quand elles le veulent.
Comment tu sais ça toi ?
Parce que tout le monde le sait.
Et Rodrigue, il le savait ?
J’ai dit tout le monde. Sauf les sourds peut être. Vous alliez me couper quoi ? Les oreilles ?
L’allemand le savait ?
Ce sont les premiers informés. Ils ont renvoyés beaucoup de manchots. La main ? Vous alliez me couper la main ?
Où il est Rodrigue ?
Partout et toujours où les gens qui le cherchent ne le trouveront pas !
Paf
Allez viens, je t’invite a boire un verre au « rendez vous » !
Aie !
J’ai pas tapé : j’ai posé ! Tu es trop sensible petit !
Avancez vous, j’arrive !
Mais Je ne sais pas comment y aller !
Mais moi non plus ! Euh… Pourquoi vous me massez la nuque ?
Parce que je me demande si on peut te transporter par la peau du cou comme un chat.
La tête ! Vous cherchez entre mes vertèbres où passer votre hache !
HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII (120 decibels)
Si pendant que je te fait tournoyer autour de ma tête, le chemin du « Rendez vous » te revient préviens moi.
HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII (110 décibels)
Au secours ! (En allemand !) Lâchez moi !
HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII (100 décibels)
Seulement quand tu auras pris assez d’élan pour être lancé dans la rivière.
HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII (90 décibels)
Je vous préviens : j’ai de bonnes dents !
HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII (80 décibels)
Alors attention aux rochers.
HIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIIII (70 décibels) kof…kof…kof
Ça me revient, le chemin du « Rendez vous », ça me revient ! C’est par là !
Je n’ai pas vu ! Je te suis ! Tiens ta canne.
Il était temps, je me demandais si vous n’étiez pas en train de me la voler !
Tu vas en avoir encore besoin : tu entends le bruit des bottes ?
Mais ce n’est pas mon bâton : il y a des plumes collées a du sang.
Ce sont des plumes de canard : il y en avait dans le panier que le curé a jeté dans la rivière.
C’était votre panier ?
Ça l’est toujours !
Qu’est ce qu’il y a dedans ?
Des canards !
Je veux bien marcher dans la forêt si vous me laissez reposer les pieds par terre.
Tu acceptes mon invitation ?
Donnez moi votre parole d’honneur que vous ne me ferez aucun mal !
Parole ! Vas m’attendre dans les fougères !
ffffffffffffffffff…pouf
Aie !
Tu voles bien, le moineau mais il faudra apprendre a atterrir.
Qu’est ce que vous faites ?
Ben tu le vois bien !
Ben Non ! Je vois des mouches, des cloportes, mais je ne vois pas ce que vous faites.
Je tend un fil accroché a une grenade !
Surtout ne la dégoupillez pas vous même !
Quand je pense que mes hommes ont voulu la tester sur un ban de canards !
Qui nageait ou qui volait ? Sur un lac c’est un ban, dans le ciel une nuée ?
Et toi, qu’est ce que tu fais dans les feuilles pourries ? Tu creuses, tu balaies ?
J’ai les bras planté dans les feuilles jusqu’aux épaules ! Venez me tirer de là.
Pousses avec tes jambes vermisseau au lieu d’ écrire des vers ! Allez zou : il ne faut pas rester là !
Un fusil de chasse contre des mitraillettes : il ne vaut mieux pas rester en effet.
Non, laisse le bâton, tu vas porter mon fusil : ça te fera les bras.
Mais ça va pas non ? Je ne suis pas votre âne.
Tu sais ce que j’y faisais a mon âne quand il n’avançait pas ?
Un coup de pied aux fesses je suppose !
Ils s’en foutent : ils ont des fesses en bois. Non : plus terrible !
Vous lui coupiez la queue !
Non.
Un bout ! Un bout a chaque fois !
Pire ! Fais marcher ton imagination !
Un piment dans les fesses ?
Ah ah ! Tu es un vrai poète toi, non : je lui tordais les oreilles.Viens, je te montre.
C’est une menace ? Parce que je vous rappelle que c’est moi qui tiens le fusil !
Tu as déjà tué mon âne, ça suffira pour aujourd’hui, vas, marches devant : attention il est chargé.
Je ne laisse pas mon bâton, c’est un cadeau ! Et l’âne c’est pas ma faute.
Mon chien l’ aime bien ta brindille, si tu veux, il te la porte, demandes lui.
Comment il s’appelle ?
Formica
Apportes le bâton Formica !
Ne poses pas le fusil par terre. Imbécile !
J’ai besoin des deux mains : une pour le gratter sur le crane, une pour le gratter sous le menton.
Et toi, comment tu t’appelles ?
Fanfan !
Apportes le fusil Fanfan !
Pour quoi faire ?
Pour voir si tu es rapide !
Vous n’allez pas tirer sur les allemands ?
Non, on ne va même pas les regarder passer : j’ai soif !
Ah ! Dacodac ! voilà !
Merci !
Paf … paf
Tiens ! Et d’une seule main. Un fusil, c’est un bâton creux, ça ne se pose pas dans la terre, ça doit rester propre.
Salaud ! Bâton Formica !
Chut ! Baisses toi !
Cloc cloc cloc cloc cloc cloc cloc cloc
C’est la première fois que je ne les entends pas courir en cadence.
Qu’est ce que tu dis ?
Je dis que si vous me plongez le nez dans les feuilles, vous risquez de ne pas bien entendre ce que je dis.
Voilà, tu vois : c’est toute cette merde qui ne doit pas rentrer dans le fusil ! Et Si on avait eu besoin d’ achever les blessés !
Nous a Cloche, nos allemands, on les fait prisonnier et on les soigne. Sauvage !
Tu es homosexuel toi, non ?
Je ne sais pas, et vous ?
Non mais ce n’est pas important. Brave petit, c’est bien d’attaquer les allemands, même pas derrière !
Shfff shfff shfff
Arrêtez de me dépeigner : je ne suis pas un chien.
Demain c’est férié : On peut prendre une tellement belle cuite qu’on va peut être se réveiller dans les bras l’un de l’autre.
Je suis mineur : un verre c’est tout, et pas d’alcool !
Tu es bien le fils du curé toi !
Bâton Formica !
Ah ah ah ! Assez joué ! En route ! La fanfare et la majorette, vous passez devant.
C’est qui la majorette ?
Formica avec son bout de bois, bien sûr, et la grande gueule : c’est toi !
Paf
C’était mon pied !
Vous me ferez penser a vous présenter mon père : le boucher, a cette heure ci, il joue a la belote au « Rendez vous ».
Le gros avec son tablier ensanglanté ? A cette heure ci, il doit accourir avec tout Merlan et tout Cloche pour admirer ton chef d’œuvre.
Alors nous n’allons pas tarder a le croiser, il fait a peu près la même taille que vous : ça va vous changer.
Pourquoi ce n’est pas toi que je vois garder ses vaches ?
Parce que il a déjà un apprenti : Rodrigue ! Moi je suis l’ apprenti curé.
Je t’ai vu du haut du chemin des chèvres monter avec Gaxuxa. Qu’est ce que tu es allé faire au « Rendez vous » hier ? La bénir ?
Vous me donnerez la marque de vos jumelles. Je veux les mêmes.
C’est un de mes hommes qui les a, il nous observe du chemin des chèvres, ne me demande pas lequel.
C’est secret ?
Un peu vu que je sais pas où ils sont et quelque part eux non plus.
Moi aussi : elle m’a proposé de me lire mon avenir dans les cartes mais j’ai refusé : l’église l’interdit. Dieu seul sait.
Je te dis mon secret et tu me donnes le tien : ça me paraît honnête comme marché.
Commencez : je vous promets d ‘en faire autant.
Formica et moi ne sommes pas des bergers. Nous sommes là pour attaquer la caserne.
Quand ? Comment ? Avec qui ?
Ça, personne ne le sais. Pas même le roi, il doit tirer ça au dés !
Le roi de quoi ?
Le roi d’Angleterre !
Le roi d’Angleterre attaque notre village ?
Pas lui personnellement et pas les français mais les allemands.
Mais c’est pas déjà fait ? En Normandie. En haut a gauche ?
Là maintenant c’est la seconde vague, en bas au milieu : une vague de fond.
Il n’y a pas de vagues en méditerranée.
Tu le fais exprès ? Même mon âne était moins con.
Il doit apprécier de se reposer au paradis des ânes enfin loin de vous !
Je m’entendais bien avec mon âne, et formica aussi, on ne t’embête pas avec ça parce que tu es dans la merde !
Bientôt vous allez me dire que vous débarquez pour aider ?
Bientôt tu vas me dire « Non merci Laissez nous : on les aime bien nos allemands »
Il y a pas de caserne d’où vous venez ?
Là n’est pas la question !
Heureusement qu’on n’a pas de réponses car si ils se doutaient qu’on en a ils nous tortureraient.
Tu parles trop gamin, tu vas attirer le malheur.
Quoi ? Je rêve : vous venez de faire le signe de croix.
Mais enfin je ne suis pas un barbare : j’ai été baptisé.
Les allemands aussi alors on ne peut pas les tuer : on va les endormir comme des abeilles.
Quoi ? Quand ? Comment ? Avec qui ?
Quand ? Déjà pas aujourd’hui : ils sont dans la forêt !
Oui j’ai vu ça ?
Vous voyez qu’ils ne sont pas là mais vous ne voyez pas où ils sont a travers les feuilles !
Et toi comment tu y vois avec tout ça devant les yeux ?
Raté.
Je voulais juste remuer ta tignasse !
Tonio va me la couper ! « Crouic ! »
La gorge ?
La frange, avant mon départ, parce que je fugue. J’en ai marre d’ici !
Tonio ? Tonio de Marseille ?
Ben oui : il vient couper les cheveux a madame Ma reine.
La reine d’Angleterre a débarqué ? Ça va saigner !
Madame Ma reine : la bonne du curé. La maman de Marguerite.
J’avais compris.
Il lui teint aussi la moustache avec de l’eau oxygénée et lui arrache les poils des jambes.« Crouic ! »
Et a qui d’autre « crouic » ?
Il va faire une banane a Pinpon le pompier, vous devez le voir courir par vos chemins là haut !
Il devrait pas fréquenter les voyous ton Pinpon et toi non plus cul béni.
C’est quand même mon cousin éloigné du côté de ma maman !
Ah ! Quelle épopée ! L’orphelin a retrouvé sa maman!
De substitution.
Holà ! Le bien grand mot ! Mais je le comprend : j’ai été a l’école. J’ai même mon certificat d’étude.
Sur vous ?
A l’école de la vie, celle où tu n’es pas encore allé, ta mère, c’est celle qui t’élève.
Longtemps j’y ai cru.
Explique moi : comment quelqu’un qu’on ne connaît pas peut-il nous manquer ?
Oui ! Et pourquoi je voudrais une autre mère ? Je n’en ai pas besoin : je suis grand maintenant.
Et qu’est ce qui te dis qu’elle mérite ton amour ?
Ou tout simplement qu’elle en a besoin.
C’est vrai qu’elle est un peu vieille pour être ta vrai mère.
Elle n’ est pas vieille, mais elle s’est beaucoup battu et trop tôt.
La Sicile n’ a pas l’air d’être une contrée facile. Trop sèche.
Elle dit qu’ ici la terre est meilleure mais toute aussi basse.
Qu’est ce qu’il est venu faire le colonel au presbytère hier ?
Discuter.
Avec la bonne ?
Un jour qu’ il passait par hasard devant chez elle, il lui a fait remarquer que sa soupe sentait bon.
Laisse moi deviner : elle lui a proposé d’entrer pour la gouter.
Maintenant ils sont bien copains !
Ça ne doit pas plaire a tout le monde.
Vous savez que depuis qu’ils sont ici ils n’ont jamais vraiment fait de mal a personne.
Crouic…
Ils n’ont même pas fusillé un ou deux grincheux pour faire rentrer les autres dans le rang ?
Crouic…
Pas ceux du village !
Crouic…
Alors pourquoi tu leur tapes dessus ?
Crouic…
C’est personnel.
Crouic … crouic…
Il est beau mais pas aussi beau que toi.
Crouic… crouic…
Merci.
Crouic… crouic…
Et les visites tantôt du curé a la caserne tantôt du colonel au presbytère, c’est personnel ?
Crouic… crouic…
Oui : je n’y suis pas invité !
Crouic… crouic… crouic…
Mais mon petit doigt me dis que tu as ta petite idée et que tu as envie de la partager.
Crouic… crouic… crouic…
Exact ! Il négocie pour faire entrer Rodrigue dans l’armée.
Crouic… crouic… crouic…
Allemande ?
Crouic… crouic… crouic…
Ça canalisera sa violence, il a besoin de discipline : ce sont ses mots.
Crouic… crouic… crouic… crouic…
Stop !
Crouic… crouic… crouic… crouic…
Vous ne me croyez pas ?
Crouic… crouic… crouic… crouic…
Non, mais ce n’est pas ça le problème !
Crouic… crouic… crouic… crouic…
Ça ne vous intéresse pas, vous, ce que vous voulez savoir, c’est ce que je suis allé faire dans la chambre de Gaxuxa.
Crouic… crouic… crouic… crouic… crouic…
Le plus urgent présentement, c’est que tes bottes arrêtent de faire crouic crouic comme ça tout le temps !
Crouic… crouic… crouic… crouic… crouic…
Elles sont en caoutchouc et je transpire.
Crouic… crouic… crouic… crouic… crouic…
Monte dans la corbeille sur mon dos avant que je devienne fou !
Dacodac ! C’est un peu vous l’âne maintenant.
Hé ! Tu es rapide : aussitôt dit aussitôt fait.
On m’appelle l’écureuil ! Ah ! Quelle horreur : j’écrase plein de canards !
Ne t’en fais pas : ils sont morts !
Les pauvres !
C’est quand même préférable avant de les manger. Tu es bien content quand ils atterrissent tout cuits dans ton assiette non ?
Je ne mange pas d’animaux et je n’aime pas qu’on les tue.
Il doit être content ton père le boucher !
Ce n’est pas mon père !
Ah ça y est : ce n’est plus ton père, je te rappelle qu’ il y a cinq minutes il l’était !
D’adoption ! Vu qu’il sème un peu partout on l’a obligé a en récolter au moins un !
On t’appellerais pas l’écureuil parce que tu casses les noix par hasard !
Pas quand je parle de Gaxuxa !
Moi c’est la vérité qui m’intéresse, pas les histoires a dormir debout !
J’espère que vous savez tenir les secrets secrets.
Tu as vu comme il fait chaud ? Est ce que tu sais pourquoi je n’enlève pas ma chemise ?
Parce qu’ on voit des traces de brûlures sur vos tétons.
Ah bon ! Je l’ai trop ouverte ? Il me faut recoudre le bouton du haut !
Pas besoin : elle est blanche et trempée de sueur, toute collée a votre poitrine.
Mais non : les poils l’empêchent de coller ! Tu regardes dans ma chemise ?
Je regardais le poignard accroché a votre cou.
Il me protège, un peu comme ta croix en bois.
C’est efficace une peau de mouton noir contre la fraîcheur de la forêt ? Parce que ça attire les mouches !
Ce n’était pas un mouton et je ne suis pas berger : je suis chasseur.
Ce sont des morceaux de quoi a votre guirlande autour du cou ?
C’est du piment : chasseur cueilleur.
Rouge ? Ça éloigne les mouches ?
Oui, et l’ours, c’était un ours brun.
Vous avez tué un ours pour vous déguiser en homme des cavernes ?
C’était lui ou moi ! Tiens : plies moi ma chemise en baluchon et mets tout ça au bout de mon fusil.
Sur vos bras ! Ce sont des griffures d’ours ?
Je l’ai étranglé, le poignard ne lui faisait rien.
Mais pourquoi tuer un ours ?
Parce que je suis trop gros pour le semer !
A la fin, ses yeux n’ont pas demandé pitié ?
Ce n’était pas le genre !
J’espère qu’une nuit, son fantôme viendra vous tirer par les pieds !
La nuit il me tient chaud ! Il voulait me bouffer !
Un ours, ça gagne contre un taureau ?
Rien ne gagne contre un taureau, les taureaux, c’est fabriqué pour qu’on les laisse tranquille !
Et le torero !
Sans toute son équipe il a intérêt a bien courir !
Dommage que les taureaux ne montent pas aux arbres ! Et un ours, ça monte aux arbres ?
Vous êtes tous comme ça les gosses aujourd’hui ?
Oui : c’est pour ça qu’on nous abandonne !
Tant que tu ne me demande pas si un taureau ça monte aux vaches.
Pfffffiuu… Pfffffiuu…Pfffffiuu…Pfffffiuu…
Miracle !
Qu’est ce que c’est ? Un faisan ? Fusil Fanfan !
Non : ça va attirer les allemands ?
Pfffffiuu… Pfffffiuu…Pfffffiuu…Pfffffiuu…
Un autre ! Fusil Fanfan !
Du calme ! On dirait que vous mourrez de faim !
Ça va pleuvoir, des deux mains des deux pieds, fusil Fanfan ! Vite !
Non !
Si ! Je vais te foutre un piment dans le cul !
On a pas le droit de chasser ou c’est nous qu’on plombe. Ils vont nous encercler !
Vous n’avez pas le droit de chasser dans la forêt ? C’est inhumain !
Ah ben c’est comme ça avec les nazis, on braconne : c’est plus humain !
Pfffffiuu… Pfffffiuu…Pfffffiuu…Pfffffiuu…
Mais c’est un festival ! Tu n’as pas une fronde comme tous les enfants de ton âge ?
Non j’ai un fusil ! Pourquoi vous avez pris votre hache a la main ?
Pour couper du bois !
Pfffffiuu… Pfffffiuu…Pfffffiuu…Pfffffiuu… Coin coin
Ce sont des canards ! Formica, ramasses les canards !
Non Formica il ne faut pas quitter le chemin des vaches c’est plein de pièges a loup autour.
CLAC !
Schling !
Qu’est ce que c’est que cette folie ! Pourquoi ton bâton est tendu en l’air comme ça ?
Parce qu’il s’est pris dans un piège a loup !
Au pied Formica ! Et arrêtes de trembler, les canards te regardent !
Pardon Formica, si il t’était arrivé quelque chose…
Laisses tomber Formica. Lui n’a pas compris que si son copain.. .
Pfffffiuu… Pfffffiuu…Pfffffiuu…Pfffffiuu…
FFFFFFFFSling
Coin coin …couac…
… l’âne est mort c’est ta faute et donc il t’aime bien mais moi tu vas m’expliquer. Cul béni.
Mon dieu je vais vomir !
Restes là Formica, sans tête, il n’ira pas bien loin, c’est Fanfan qui va aller chercher !
J’ai écouté leur cœur : ils battaient faiblement alors j’ai soufflé dans leur bec et ça a marché.
D’accord : tu me les tiens, on va tous les décapiter un par un.
…
tictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictactictacFanfan?tictactictactictactictactictatictactictactictactictactictacFanfan?tictactictac
Clac clac clac
Fanfan , ça va ?
Vous ne me frappez pas : vous me caressez !
Mais tu t’es évanoui, espèce de chochotte.
CLAC !
Aie !
Tu nous a fait peur petite nature : Formica hurlait a la mort !
Les canards !
Ils vont bien , enfin je veux dire j’ai trié les cœurs qui battaient et les cœurs qui ne battaient pas.
J’ai sauvé le haut du panier mais ceux du dessous…
Si si : ils ont migré en formation vers l’Afrique, c’était magnifique.
J’ai rêvé que vous leur tordiez le cou.
Vous avez des loups ? Il faudra que je prévienne mes hommes !
Mon taureau s’est battu avec quelque chose : c’est la seule certitude.
Bizarre ! Je peux le voir ton taureau ?
Oui : c’est sur le chemin !
Tiens ton bâton : tu passes devant. Formica ! Arrêtes de ronger sa brindille, ce n’est pas un os !
Mon taureau est mordu sur le museau !
Ce sont des méthodes de lion ça. Enfin de lionne. Et sur les vaches. Laisses tomber !
Marchez sur mes pas. Formica file droit ?
Il est entre nous deux !
Miaou, viens là mon Miaou, viens te présenter !
Miaou ?
Je n’avais que trois mots de vocabulaire quand je l’ai baptisé ?
Retiens Formica : il n’a jamais vu un morceau de viande aussi gros. Ça va l’exciter !
Vous pouvez passer la barrière, avec moi vous ne risquez rien, il m’écoute.
Tu rigoles ? Si une mouche le pique, il m’ouvre en deux, tu pourrais lui limer les cornes de temps en temps.
Touchez sa corne gauche !
Pouet
Hein ? Mais il est en quoi ton coin coin ?
Mon Miaou ? Il est en caoutchouc ! Enfin que la corne !
Et pourquoi pas la queue ! Il lui faut du dur ! Et si le loup revient ?
Je ne retrouve pas l’ancienne sinon je la lui aurais recollée !
Il a enfoncé la barrière et ça s’est terminé dans la forêt. C’est ça ?
Bien vu ! Vous m’impressionnez.
Dix griffures, comme dix doigts de deux mains : je peux déjà te dire que la coupable n’est pas la barrière.
Hé ! Miaou ! Reviens !
Laisses, je vais te la retrouver ta corne, je suis le plus grand pisteur que la terre ai connu.
Si c’est Rodrigue, j’espère qu’elle est dans son cul.
Non : a moins que Rodrigue ai les ongles longs comme ceux d’une femme.
Ah ah, ça ce serait drôle ! A vérifier, mais moins je le vois mieux je me porte !
Ce ne sera pas la peine de vérifier dans sa culotte ! Il en a !
Il en a de quoi ?
Des cojones ?
C’est quoi ça des cojones ?
Des noisettes !
Il l’emmerde parce qu’il sait qu’un taureau ça court moins vite qu’une vachette landaise.
Et aussi il comptait sur la barrière.
Si vous aviez vu ses « cojones » quand finalement il a du compter sur un pin.
Il a du se faire dessus ce con !
Non ! Ce con a chié sur la tête de mon taureau du haut du pin.
Un pin ça n’a pas de feuille. Il n a pas eu le temps de choisir son arbre !
Il a surtout un problème d’arbre généalogique mais le curé a dit qu’il allait palier a ça !
Le curé qui couche avec l ’allemand ?
Ils dansaient seulement.
Je les ai contemplé l’autre nuit du haut du chemin des chèvres !
Faire l’amour ?
Quel âge as tu fanfantassin ?
Oh pas des siècles ! Vous pouvez me lâcher l’oreille s’il vous plaît ?
Tu as compris que les grenades étaient pour moi ?
Et même que si vous aviez su qu’elles étaient défectueuses, vous ne vous seriez pas déplacé.
Exact : même si il me les avaient données, et c’est impardonnable, mes hommes auraient pu mourir en comptant sur elles.
Peut être comptait il vous avertir, peut être l’allemand lui a affirmé qu’elles étaient bonnes !
Celle que je viens de poser, c’était l’un des deux échantillons qu’ils m’avaient fait parvenir.
Si l’autre a fonctionné, pas celle ci !
J’ai merdé : j’aurais dû la tester mais la tester c’était la gâcher !
Et il aurait misé la dessus pour vous arnaquer ? Une chance sur deux ?
Sache que je ne vais pas la couper a un voyou sans écouter sa défense, je veux regarder mes petits enfants en face.
Surtout si vous la coupez a votre propre enfant, Rodrigue est votre portrait tout craché.
Il ne faut pas dire des choses si graves a la légère ! Il me ressemble comment ?
Euh… Comment dire ? Il sort le même genre de mêmes conneries !
Mais ça les cons, c’est courant !
Depuis quand vous n’avez pas vu Gaxuxa ?
Été 1930, avant son départ pour l ‘Amérique, chez sa sœur. Il me ressemble physiquement ?
Il est aussi laid que Gaxuxa est belle !
Aussi laid a l’extérieur qu’a l’intérieur, oui, j’ai bien compris, comme moi.
Et depuis Juin qu’elle est revenue vous n’avez pas cherché a revoir Gaxuxa ? Au lieu d’espionner.
Et pourquoi ? C’est une histoire terminée.
Sauf si Rodrigue ment lorsqu’il dit que Gaxuxa est sa tante.
Si c’est le cas, Gaxuxa m’a mis sur la touche
Et tient a ce que vous y restiez.
Tu sais quoi ? Je vais oublier cette histoire et tu vas en faire autant.
Il y a un homme au « Rendez vous ».
Dans ce genre d’établissement, il vaut mieux.
Je vous préviens a cause des ragots : Gaxuxa ne fait pas l’amour pour de l’argent.
Tu as vérifié puceau ?
Ils sont nombreux a demander : certains même redemandent tout les jours !
Elle est tellement belle. A quoi il ressemble son homme ?
A elle : c’est son frère !
Donc le père de Rodrigue.
Non : il l’ appelle Tonton.
Et Gaxuxa ? tatie ?
Non : Gaxuxa mais le curé il va l’appeler son père : il va lui acheter.
Lui acheter ? On n’est pas au moyen age !
Il a besoin d’un père et il va l’adopter.
Mais un curé ça n’a pas d’enfant ! Enfin officiellement !
Il en a déjà plein : il accouche des enfants !
Moi qui comptait te faire boire pour te faire parler.
Il traie les vaches toutes les nuits pour les nourrir !
Hola c’est bon ! Arrêtes : tu me saoules !
Il appelle Rodrigue le diable : il va commencer par l’exorciser !
Je vais te le mettre sur un bûcher moi ton exorciseur !
Quand vous le connaîtrez, vous lui baiserez les pieds comme si c’était Jésus lui-même.
Mais ça va pas bien : je t‘ai trop secoué toi !
Il achète un seul petit pain a Madeleine la boulangère le matin et le ramène le soir pour qu’elle le donne aux prisonniers du camp.
Et alors ?
Et alors dans la journée il en a distribué une centaine aux habitants du village.
Fanfan, tu me fais de la peine.
Je jure sur la sainte Marie de la mer qui nous protège que c’est la vérité.
Fusil Fanfan !
Pareil avec le poisson.
Fusil Fanfan ! Je ne laisse pas mon fusil a un fou.
Oh si il me le demandait, je tirerais sur vous.
Je vais le garder en bandoulière.
Juste aux moments où mes muscles commençaient a se faire.
Les muscles de la langue ?
Voilà !.
Merci bien.
Vous donnez pour mieux reprendre ?
Pour avoir des muscles il faut manger de la viande.
Et un ours ? C’est musclé.
Ça mange du saumon.
Je mange de la soupe : la meilleure soupe du village, j’ai gagné des concours.
Formica donne le bâton a Fanfan ! Non pas a moi : au fils du boucher.
Pour les tartes aux pommes, le curé me bat mais j’ai un plan. Vous voulez savoir lequel ?
Oui ! Euh… Tu peux essuyer ton bâton magique, Formica le lèche.
Bâton For me castor !
Waf !
Vous avez vu ? On communique ! On est copains tout les deux !
J’attendais que tu me communique que je suis en danger de mort mais ça ne vient pas !
Je ne comprends pas toujours ce que vous dites !
Si un allemand apparaît tout a coup au détour d’un châtaignier, qu’est ce qui se passe ?
ça n’arrivera pas puisque Formica nous aura prévenu et on se sera caché.
Dans ton cul ? Si, nous prévenus, les allemands nous encerclent et tout a coup au détour d’un…
Au fond du panier !
Merci . Cartouches Fanfan !
Comment vous avez su ?
Je suis né avec ce fusil dans les mains.
Quelle image sympathique !
Tais toi et plonge !
Je ne sais pas nager !
Tu sais pourquoi j’ai renoncé a te corriger ?
Physiquement ? A cause des retours de bâton ?
Parce que ton cas est désespéré, on ne fera jamais rien de toi.
Vous ne voulez pas connaître mon plan ?
Quel plan ? ah oui ! Le plan pour endormir les allemands ?
Mais non : le plan pour gagner le concours de la tarte au pommes.
Oui ! Comment tu vas faire pour ta tarte au pommes ?
Je vais changer la forme. Fabriquer des moules magnifiquement ornées de pierres précieuses.
les bords du gâteau d’accord mais c’est l’intérieur, c’est le goût qu’on aime.
Le corbeau a dit qu’il avait acheté le jury, c’était le début : il s’entraînait.
Qui c’est ça le corbeau ?
Je ne peux pas le dire : il remonterait facilement jusqu’à moi parce que moi seul le sait.
Ah ! Alors dans ce cas je ne veux pas savoir.
Il a dit aussi que le secret de la soupe de la bonne, c’est qu’elle y crache sa chique de tabac dedans.
Hein ? Mais c’est dégueulasse ! Qui c’est ce malade ? Il vous faut le choper !
Puis je vais renverser mon gâteau : la pâte dessus, les pommes dessous, comme les anglais.
Tu as vu des anglais au château ?
Oh ça il y en avais des rois et des reines, j’ai même vu Adolf Hitler et Joséphine Baker, la vraie.
Parce que l’avion il en a peut être parachuté cette nuit.
Tant qu’ils ne lâchent pas des bombes ! Ils ne peuvent pas venir les poser au bon endroit ces lâches !
Tu ne voudrais pas être mes yeux et mes oreilles pour que je ne pose pas mes grenades n’importe où ?
Prenez Rodrigue ! Il vendrait père et mère ! Mais pas contre des canards. Qu’est ce qu’il y a dessous ? Des billets ?
De la tisane qu’il m’a fallu aller chercher jusque derrière les Pyrénées., ce qui m’a fait rater le feu d’artifice.
C’étaiten des ballons de latex rempli de gaz fluorescent, une idée de Rodrigue.
Je ne peux pas pardonner Rodrigue même si j’ai bien connu sa mère.
Le curé il dit qu’il faut toujours donner une seconde chance.
Si tu me reparles de cette tante, je te jures que je te fous une volée de bâton que tu t’en souviendra toute ta vie
Non : c’est moi qui vais vous rosser.
Ah ah ! Et pourquoi donc ?
Parce que j’ai besoin de votre hotte, père Noël.
Ah ah ! J’aimerais bien voir ça voir ça.
J’ai un atout dans ma manche : ça peut se jouer mais faut qu’il se réveille.
Mais arrêtes ! Pourquoi tu retournes la corbeille sur Formica ? T’es malade ! Libères le !
En garde !
Mais je n’ai pas de bâton !
Vous avez tout ce qu’il faut. Que le meilleur gagne ! Par la grâce de Dieu !
BIM BANG BOUM BADABOUM
Haut les mains brigand !
Vous en avez mis du temps Pruntch, vous faisiez la sieste ?
Je n’arrivait pas a remettre la main sur mon fusil !
Tu caches bien ton jeu l’as de pique ! Collaborateur ?
Résistant de dernière minute.
Mon cul !
Trafiquant d’herbe du diable ?
Résistant des premières heures.
Merci de m’avoir proposé de chercher la corne cassée.
Un ami ça sert a ça !
Ramouncho, vous ne faites pas parti du plan. Mais la corbeille oui.
Tu m’impressionne demi-portion, je suis sur le cul ! C’est le cas de le dire ! C’est.. Tu es …
Désolé.
Incroyable !
Plus tard vous me pardonnerez !
Tu l’es ! Ton secret Fanfan, tu as promis !
Gaxuxa ! D’abord je n’étais pas seul : Pinpon nous a rejoins par derrière !
Arrêtes : si je me bouche les oreilles, le gendarme va croire que j’ai dégoupillé une grenade.
Par derrière le « Rendez vous », pour lui montrer notre projet.
Votre projet ?
Installer un salon de massage au « Rendez vous ». Pinpon, il a un don.
Un don ?
Un don de Dieu au bout des mains.
Toi tu as un don au bout de la langue, un don du diable !
Je vous l’achète votre corbeille. Une pièce d’or. Pour en faire une alliance et marier Gaxuxa.
Nous vivons déjá dans un monde qui dévore ses enfants, certains plus que d’autres. A quoi bon poignarder le sien ?
Quand on parle de la louve, nous voyons ses beaux yeux. Aussi, elle ne pardonnera pas. Non, ni les uns, ni les autres, ni elle-même.