Bonjour Marguerite ! Quel bon vent t’emmène ?
Le vent des fous !
Lou Ragan ? Encore ?
Oui : Bébert le courant d’air ! Tu savais qu’il avait découché cette nuit ?
Oui, enfin : non, avec qui ?
Je n’en sais rien : je ne couche qu’avec un !
Parce que tout le village a découché, au moins jusqu’à sa fenêtre pour voir le feu d’artifice.
Pas moi ! Quand le bruit m’a réveillé, ce con m’avait enchaînée au lit.
Et disparu ?
Emmanuel ! Tu écoutes ce que je dis ?
Heureusement que les allemands tiraient en l’air : ça courait dans tous les sens !
Quelqu’un finira bien par me dire avec qui il courait !
Quand on revient d’éteindre un feu, on est tout noir de suie. Est ce qu’il l’ était ?
Je ne l’ai pas vu partir, je ne l’ai pas vu revenir.
Et tu es inquiète ?
Oui, très impatiente de le revoir, ainsi que la personne qui m’a délivrée, vu que je dors nue et sans draps.
Et que vous avez regardé le feu d’artifice en amoureux main dans la main.
Bon ça va dis moi avec qui il courait dans les bois pendant que je démontais mon lit.
Avec qui il courait, j’aimerais bien le savoir mais après qui, ça, je peux te le dire.
Je dois m’asseoir ?
La manœuvre n’est possible qu’a deux individus : un devant un derrière.
Un dessus un dessous ? Et on roule dans l’escalier, comme toi et la factrice ?
Trois individus si on compte la vierge au milieu.
Comment tu peux dire de telles horreurs dans le clocher de ton église ?
Des horreurs ? Non au contraire je te l’emballe avec des petites fleurs, a la Fanfan .
Droit au brut Emmanuel ! Courage : je suis vacciné !
Ils m’ont monté la statue de la vierge dans le clocher ces cons !
Oh merde ! Et moi qui l’avais comprise emballée par le boucher.
Tu m’aiderais a la redescendre ?
C’est vrai qu’on voie la mer du clocher ?
Opération sandwich. Top secrète. Un devant, un derrière et la vierge au milieu ?
C’est parti ! Tu passes derrière ou je passe devant ?
Les règles de la galanterie disent que l’homme passe devant au cas où il y aurait un danger !
Et l’homme, c’est celui qui a la robe ?
Oui : la longue, où s’accrochent les souris.
Le seul animal qui fuit l’ homme et attaque la femme.
Tu oublies Quasimodo.
Bien tenté mais la seule bête qui me faisait peur, vous m’y avez tous marié !
Si il y avait des toiles d’araignées venimeuses, elles auront été balayées par nos prédécesseurs.
D’accord : moi devant ! Sinon ton aube va me cacher la vue.
Si tu veux je l’enlève.
Alors là, ça passerait de « cacher la vue » a « gâcher la vue ».
Un escalier de clocher, ce n’est pas non plus le plafond de la chapelle Sixtine.
En fait ce n’est pas la vue c’est l’odeur !
Je sens du séant ?
Sérieusement, cette odeur : c’est la pierre ?
Tantôt mousse mouillée, tantôt lichen séché. Par ma lune éclipsés.
Tu ne serais pas en train de te moquer de Fanfan ?
Quoi ? Moi aussi j’ai le droit de gazouiller !
Je passe devant, de toute façon ce n’est pas le panorama que tu gâcherais, c’est l’acoustique.
Mon arrière train arrière siffle ?
j’adore comme le chant des oiseaux est a la fois estompé par la petitesse des meurtrières
et une fois entré, amplifié par la hauteur de la tour.
Les meurtrières et les tours, c’est dans les châteaux forts.
Tais toi ! Je veux entendre battre mon cœur !
Ah oui : l’acoustique cathédralistique.
Bzzzzzzzzzzzzz
Dragon !
Crac
C’était quoi ?
Mon aube qui se déchire.
Non : avant.
Bombus terrestris.
Qu’est ce que fout un bombardier dans ton clocher ?
Un bourdon ? Ça couve un nid. C’était une reine .
Crac
Tu connais une bonne couturière ?
Tu en as une dans tes bras.
Tu n’es pas dans mes bras : tu es accroché a mon aube comme un chat a un rideau.
Je peux passer mes bras autour de ton cou ?
Crac
Ça répond a ta question ?
Dis donc, ils pourraient vous fournir des aubes plus solides.
Je les refaits !
Waouh : tu les redessines, les tailles, les couds, j’en étais sure.
Je n’ai pas envie de parler couture avec toi.
Tu n’as pas le droit l’uniforme c’est l’uniforme.
Tant qu’elle n’ est pas blanche a fleurs !
Reposes moi : je vais passer derrière !
clac
On peut marcher un peu le temps que tu arrêtes de trembler.
clac
Dire que l’on marche lorsqu’on monte des marches : c’est approprié !
clac
Ah oui : je n’y avais jamais pensé.
clac
Moi il y a plein de choses auxquelles je ne penses que lorsque je suis avec toi.
clac
Comme mettre ta robe blanche a fleurs ?
clac
Nous en avons déjà parlé : ce ne sont pas des fleurs, ce sont des ailes de papillons.
Ou de libellules : longues et transparentes a la fois.
Au fait, je l’ai rallongée, de deux doigts. Poses moi : je vais te montrer !
Mais je ne te tiens pas : j’ai mes mains derrière le dos.
Si tu veux bien accompagner mon atterrissage : mes bras tétanisent.
Déplies tes jambes : si ça lâche d’un coup, tu vas te casser le coccyx.
Tu ne vas pas me ressortir ton problème de corps qui ne t’obéis plus dés que je mets cette robe ?
Tu ne vas pas me ressortir que tu ne la mets que pour moi.
Oui : Personne ne l’a vue a l’aller ni ne la verra au retour.
Cette journée me fait penser a un coup de pied dans une fourmilière.
Bon : a trois je lâche : un deux Trois .
Tu sonnes creux : tu ne te remplie que d’air ?
Voilà : réceptionnée comme un ballon de rugby ! Quel honneur !
A deux doigts de la marche.
Mon coccyx remercie ton corps qui ne t’obéit plus d’avoir quand même gardé les bons réflexes.
Je te pose sur la marche de dessus ou de dessous ?
Sur la même que toi s’il te plaît ?
Tu tiens toujours a m’ écrabouiller les pieds avec tes sandalettes en cordelettes ?
C’est une vision de Gaxuxa et moi les prédictions, c’est plus fort que moi, il faut que je les provoque.
Bref tu es une bonne cliente.
Tu la connais ?
Je n’ai pas eu besoin de ses services.
Ça ne répond pas a ma question.
Rez de chaussée ou premier étage, elle a déjà fait son pas en arrière quand je passe devant le « Rendez vous »
Pourtant elle aime bien les robes noires mais plus… comment dire… élastiques.
Pardon ?
Élastiques.
Élastiques comment ?
Élastiques comme je ne sais pas moi..
Du caoutchouc ?
Oui voilà. Pourquoi tu as laissé tes claquettes en bas de l’escalier ?
Parce que tu n’aimes pas quand ça claque.
Pourquoi tu lis en moi comme dans un livre ?
Parce que je t’aime.
Pourquoi tu me le dis ?
Pourquoi je ne te le dirais pas ?
Parce que quand on développe ça donne : comme un berger aime sa brebis. Égarée en plus.
Haut les mains !
Quoi haut les mains ?
Haut les mains tu tombes sur une patrouille au détour d’un chemin en plein couvre feu.
Bonsoir messieurs, il y a quelqu’un derrière moi ?
Tu es un chat et tu veux attraper un papillon au dessus de ta tête.
Il n’y a rien a manger dans les papillons.
Tu te réveilles de la sieste.
Ah c’est mieux !
Tu es bien : Bébert est a la pêche ou au rugby.
Oh oui : je suis chez ma mère.
Il va falloir descendre l’aider a couper les queues des haricots.
J’arrive Maman.
Mais d’abord tu t’étires et tu bailles.
Oui bien sûr : je l’avais compris. Waaaaouuuuuu.
Deux doigts en longueur ou en largeur ?
On voit ma culotte ?
Non.
Bon alors tout va bien !
On la voie pas parce que tu n’en as pas !
c’est parce que je me met sur la pointe des pieds, et parce que tu es sur la marche en dessous.
D’accord, mais il y a les nains, les enfants !
Combien j’ai de doigts ?
Je ne sais pas : ce n’est pas toi qui est transparente, c’est ta robe. Plus bas ta main.
Ça me fait me cambrer : on dirait que je réclame un bisou sur le nombril.
Oh ben je n’aurais pas de mal a le trouver : ta robe est transparente.
Mais pas du tout on ne voit que lui parce qu’il est en relief, excuses moi d’être déformé.
On a tous notre petit défaut, nos amis sont là pour nous le rappeler.
Oui, toi même ton nez…
Mais enfin je ne parle pas de protubérance mais de transparence .Là on voit l’ombre de son creux.
Ah !
paf
Oh zut : excuses moi, on peut me toucher partout mais pas sur le nombril.
Non mais ça va : je ne toucherai plus.
Moi non plus, tu marques longtemps en général ?
En ce moment, tes mains que tu croient cachées dans ton dos se tortillent les doigts.
Oui. Et là ?
Et là tu en tend trois.
Ah ben merde alors ! Et là ?
Un.
…
Deux.
…
Un.
…
dix, vingt, trente : tu clignotes.
…
Un lapin qui remue ses oreilles.
Comment tu fais ?
Je fais comme tout le monde : je regarde a travers le tissu de ta robe.
Ah ben merde alors !
Ça tu l’as déjà dit ! Ça y va les gros mots aujourd’hui. Enlève ta robe !
Pardon ? Pourquoi ?
C’est le prix a payer si tu veux voir la mer.
Je ne veux pas y plonger, je veux juste la voir !
Seuls Fanfan et moi pouvons apparaître au clocher sans nous faire tirer dessus. Ordre du colonel !
Qu’est ce qu’il a peur qu’on voit dans sa caserne a part sa queue de saumon, que de toute façon il montre a tout le monde.
Je ne sais pas moi ! La taille de sa piscine ?
Ah : c’est déjà plus prés que la méditerranée pour plonger !
Il enrage les sentinelles préposées a la surveillance du clocher.
Tu as dit « il enrage » ou « il engage » ?
Non : engagés, ils l’étaient déjà et parfois de force. Ce sont ceux qui ce sont fait attraper avec de l’herbe du diable.
On ne va pas les plaindre non plus, dans le camp des tziganes, il y en a beaucoup qui la voudrait la place du mirador.
Sevrés d’un coup, ils restent en poste jour et nuit, privés de tout. Privés même d’aller aux toilettes.
Et même privé de femmes a poil dans le clocher, je peux te le garantir.
Je ne suis pas sûr qu’ une femme nue les attendrirait, aussi belle soit elle.
Ah, ce n’était pas ça le plan !
Non : le plan c’est d’ échanger nos robes.
Moi ça me transforme en curé mais toi ça ne te transforme pas en enfant de chœur.
Je marcherai a quatre pattes !
Dans ma robe ? Mais tu vas l’éclater. Elle t’est deux tailles en dessous.
Elle n’est pas un peu élastique ?
Emmanuel, je préfère te voir nu que dans ma robe !
Et moi je préfère que tu me vois dans ta robe que nu !
Mais vu qu’elle serait transparente, ce sera pareil que tu en ai ou pas !
Tu aurais un autre plan ?
Oui : c’est moi qui vais marcher a quatre pattes et tant pis pour la vue sur la mer.
Non, restes là, je prend gentiment la vierge dans mes bras et je l’emmène jusqu’aux escaliers. Après on verra.
Comme un prince charmant dans les contes de fées.
Je vais quand même devoir la sermonner, c’est dangereux de se tenir debout sur le parapet, le vide, ça aspire.
Il faut vraiment qu’elle soit de marbre pour ne pas avoir le vertige.
Elle est en plâtre et creuse.
Ah ! Au moins son poids ne risquera pas de t’emporter.
Elle est remplie de gravats, si ceux qui l’ont montée jusqu’ici ne s’en sont pas aperçu , c’est bien fait pour eux !
Tu vas la saisir par la taille ou par dessous les aisselles ?
Une fois vidée, Bébert aurait pu la prendre sous son bras comme une baguette.
Et nous, étant informés de son état intérieur, nous aurons droit de la vider j’espère ?
Oui mais pour ça il faudra la renverser. Elle a un bouchon au cul.
Pffff ! Tu arrives a me faire rire même le jour où j’en ai le moins envie de peut être toute ma vie.
La statue, pas la vierge, la statue a un bouchon sous son socle : je disais cul comme on dit « un cul de bouteille ».
Puisqu’elle a encore une corde autour du cou, pourquoi ne pas la soulever une seconde fois ?
Parce que tu crois qu’ils l’ont hissé a la poutre comme un gibier de potence ? Ils sont gravement cons mais encore chrétiens que je sache.
Tu sais, Bébert, entre l’enfer dans longtemps et s’écorcher de suite les doigts dans les escaliers…
Et si ce n’était pas Bébert ?
Et si ce n’était que Bébert, il est assez fort pour en hisser dix comme elle sans l’aide de personne.
Dans la bande de la belote, il y en a forcément un qui sait faire un nœud coulant, mais tous auraient passé la corde sous les bras de la statue, Bebert y compris !
Ah tu es au courant que Bébert est trop con pour faire un nœud de quelque sorte que ce soit,
J’ai été a l’école avec lui. Il a toujours eu un problème avec les nœuds.
Je suppose qu’il avait un problème avec l’école aussi.
Moi aussi j’ai un problème avec ce nœud autour du cou de ma statue ! Restes là : je vais voir ça de plus près.
Vas prince charmant et attention : pas de catch, de la douceur !
FFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFFF
Ah !
Putain ! Après la vierge par le cou : le curé par les pieds !
Pas de gros mots Marguerite : le clocher c’est encore l’église.
Tu t’es fait piéger comme un lapin dans un collet.
La vierge est tombée dans le vide, c’est son poids qui me colle au plafond, Oh hisse !
Alors il faut couper la corde !
Non je la tiens : elle s ’écraserait, elle a l’extérieur et moi a l’intérieur, Oh hisse !
Ah non pas « Oh hisse ! » : la poutre grince, si elle cède, tu vas rejoindre la vierge, au propre comme au figuré.
La poutre peut supporter une seconde cloche. Ce sont mes os qui grincent. Oh hisse !
Des os qui grincent ? Et pourquoi pas des ailes de chauve souris qui te poussent.
J’ai aussi l’impression que mes bras s’allongent. Oh hisse !
Ça expliquerait pourquoi la tête de la vierge n’arrête pas d’apparaître mais redescend entre deux « Oh hisse ! ».
Oui : maintenant c’est certain, elle n’a pas été vidée.
Emmanuel, il faut que tu admettes que tu la tiens d’accord, mais tu ne la « oh hisse » pas !
Tu me donnes une idée.
Emmanuel tu sais bien que les femmes ont toujours raison alors écoutes moi : laisses tomber.
Mon aube ? Je vais y être obligé : Je n’ai pas quatre mains !
Non : déjà je trouve qu ’un homme nu ce n’est pas très beau mais en plus un homme nu a l’envers…
Est ce que tu pourrais venir, a quatre pattes me rejoindre sous mon aube.
Si tu fermes les yeux ! Comme moi !
Mais c’est fait : la sueur me brûle les yeux.
Emmanuel, je suis vraiment désolé de ne pas t’avoir prêté ma robe.
Une qui reste collée aux fesses aurait vraiment été plus pratique vu la situation. Oh hisse !
Ouvres ma poche kangourou, juste de quoi passer la main.
ZZZZIP
Qu’est ce que je cherche ? Des ciseaux ? un couteau ?
Une boîte en verre ronde .
tchinc klink prfff ploc
Allons donc ! Oh quel bazar ! Tu ne ranges jamais ?
C’était rangé !
Je l’ai ! Ah non : c’est une loupe,
On manque un peu de soleil la dessous pour qu’elle serve.
Mais pas de chaleur. Je l’ai ! Beurk ! C’est quoi ? Du bouillon de culture ?
C’est chimique, tu vas vers le parapet, tu le verses sur la corde et tu t’éloignes : ça va fumer.
Tout ?
Oui, mais pas tout au même endroit : étales !
Pour une fois que ça n’explose pas ! Et je suppose que je dois aussi me boucher le nez.
Normalement tu devrais te jeter a terre mais tu y es déjà, si ça ne t’embêtes pas, roules jusqu’à l’escalier.
Si : ça m’embête, j’aurais l’impression que tu me fais le même numéro qu’a la factrice.
Le grenier n’est plus mon labo, c’est ma chambre.
Pschhhhhhhhhhhhiiiiiiiiiiiiiiiiii
Oh non : ça ne la dissout pas, ça la rend toute molle.
Chanvre et caoutchouc sont de la même famille, celle du bois.
De là a ce que la statue se pose en douceur.
Et puis il y a le facteur temps !
Tu sais que tu as les veines des tempes toutes gonflées !
Elles explosent a chaque battement de cœur.
Emmanuel tiens toi quand même prêt au cas ou la corde casserait comme un vieux élastique.
Marguerite tu me tamponnes le front avec ta robe ?
Mais enfin qu’est ce que tu as contre cette robe ? Tu veux la brûler comme les nazis font avec les livres ?
Mais rien : c’est juste que si elle est là, elle n’est pas sur toi.
Et alors ? Bonne maman qui était aussi ta nounou nous baignait ensemble.
Restes cachée sinon ça va être plus difficile pour leur faire croire que c’était Fanfan.
Pas question : je monte enlever le lasso qui relie tes pieds au cou de la vierge.
Quoi ? C’est pour me grimper dessus que tu a enlevée ta robe ? Aie !
Et que je vais montrer mes fesses a la sentinelle, il a des jumelles ?
Pas qu’à lui, a toute la garnison ! Ils ont des lunettes de visée montées sur des gros fusils.
Ils sont tous éparpillés par monts et par vaux pour démonter leur artillerie et la remonter ailleurs.
Arrêtes ! Qu’est ce que tu veux ?
Que tu lâches cette putain de corde.
Je ne peux pas !
Parce qu’au bout il n’y a qu’un putain de bout de plâtre.
Sois poli avec les bouts de plâtre.
Si elle était là, en chair et en os, elle te dirait la même chose.
Je sais que tu as enlevée ta robe pour que je me sente moins seul et je veux t’en remercier avant que l’on se dispute.
Tant que ça ne tourne pas a la bagarre ! Tu ne crains toujours pas les chatouilles ?
Tu n’auras pas a me faire lâcher cette corde puisque tu n’arriveras pas a défaire le lasso autour de mes jambes.
J’ai de bonnes dents !
Moi aussi !
clac
Aie ! La chauve souris se transforme en vampire ? Bravo la chrétienté.
…
Emmanuel, en plus tu as vu l’ endroit où tu me mords ? Comment je vais expliquer ça a Bébert ?
…
Emmanuel J’ai une question : est ce que les chouettes de clocher attaquent pour défendre leur nid ? Parce qu’il y en a une qui m’observe : elle m’effraie.
C’est un hibou grand duc ou sa duchesse , qu’est ce que tu vois dans ses yeux ?
Quelle drôle de question : pas son sexe en tout cas, je vois… je vois… moi, nous. Qu’est ce qu’il faut voir ? Si elle a peur aussi ?
Qui est monté dans le clocher. Regardes mieux,
Pour qu’elle me crève les yeux ?
approches toi avec ton esprit.
Arrêtes avec tes trucs de sorcière : je n’ai plus douze ans.
Fermes les yeux et pense a ce qu’elle voit.
Je vois un lapin, un lapin blanc.
Mais enfin un lapin blanc, ça n’existe pas. Du moins pas en Camargue.
Et pourquoi ça n’existerait pas ?
Parce que il ne pourrait sortir que les jours de neige et le reste du temps les prédateurs ne verraient que lui. Pas le temps de grandir, de te reproduire.
Justement : celui là n’est pas dans ses yeux mais dans ses serres.
Blanc comme la lune ?
Blanc comme la neige. Mort puceau.
Ça y est j’ai compris, c’est le magicien du cirque qui est venu me jouer un de ses tours.
En parlant de tour de magie, les allemands t’ont reconnu, même a l’envers.
Toi aussi, encore une preuve que ta robe est…
Pan
sssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssssss
DONG
En fer et vulcanisation ! Voilà qui s’appelle se faire sonner les cloches.
Emmanuel, lâches cette corde et lèves les mains au lieu de faire de l’esprit.
Je suis a l’envers, si je lève les mains, en fait, je les baisse.
Quant a moi, imagines moi comme une côte de maille deux tailles en dessous, pas comme une femme qui t’ étreins.
Tête bêche.
Tête bêche.
C’est fichu pour la discrétion : j’entends déjà les premiers volets grincer.
Mais j’espère bien : on essaye de nous tuer !
Ils s’amusent, a cette distance, les balles ne tuent pas.
Et perdent en précision ?
Ils visaient bien la cloche si c’est ça ta question .
Classons donc ça comme un coup de semonce et restons calme.
Nous restons toujours la cible potentielle de leurs jumelles.
Le point positif c’est que ça va faire réapparaître mon mari plus vite.
Tu vas voir qu’après ça, le colonel va nous expédier toute une patrouille.
Au moins tu auras du muscle pour hisser la corde.
Mais aussi des claquements de bottes et des cliquetis d’armes dans un endroit qui jusque là n’y avait pas eu droit.
Et merde : j’y vais !
Où ? Et moi qui croyais qu’il faudrait un sceau d’eau pour nous séparer ! Qu’est ce que tu fais ?
Je montre a ses cons que moi aussi j’ai des muscles.
Et une robe ?
Et une robe. Bébert ne peut pas assassiner toute une garnison. Oh hisse !
Hé ! Mais tu tires dans le mauvais sens !
Je ne la tire pas : je l’étire. J’ai jeté un coup d’œil en bas : ta princesse est presque arrivée.
Alors attention si elle casse de ne pas passer par dessus le parapet.
Et toi attention si elle casse de ne pas te rompre le cou.
Hisse oh ! Pas de problème je suis en caoutchouc.
Si tu bois de ta mixture, je veux bien le croire.
Hisse oh ! Non : ma mixture n’aime pas l’humidité : ne craches pas dans tes mains.
J’ai l’impression qu’elle a transformée ta corde en boyau a saucisse.
Hisse oh ! Au moins tu n’auras pas d’ampoule.
Heureusement : une ampoule c’est de l’eau.
Hisse oh ! Moi j’ai vraiment l’impression de me transformer en statue de pierre.
Si ta sueur deviens du talc, c’est bien pour hisser de la corde.
J’ai envie que cette histoire de fou se termine.
Moi j’aime bien parler chimie avec toi.
Tong
C’est quoi ce drôle de bruit ? Ça sonne creux !
L’atterrissage de la vierge : ton vœu s’est accomplit.
Ah oui en effet : je sens du mou dans la corde !
Assez pour enfin descendre me rejoindre ?
Clac
Oui ! On est mieux par terre qu’au plafond.
Tu tangues, viens dans mes bras, ne vas pas te briser en roulant dans l’escalier !
Attends : j’attache la corde a la poutre, que l’on ne me la kidnappe pas une seconde fois.
Laisse lui du mou, le village veillera sur elle, au moins jusqu’à la prochaine nuit.
Tu as raison : elle sera très bien dans le jardin de l’église.
Comme ça, elle assistera au pique nique organisé pour l’arrivée de la nouvelle bonne .
Et toi ? Tu viendras ? Ou tu nous laisse entre méchants catholiques pratiquants.
Non : je mange avec l’ancienne.
« Bonne », précise « l’ancienne bonne », « l’ancienne » dit tout seul comme ça, ce n’est pas beau.
« Maman » précise « bonne maman », « bonne » dit tout seul comme ça, ce n’est pas beau.
La nouvelle bonne va dormir au presbytère.
Et toi ?
Au grenier avec la vierge !
Et ben dis donc, elle voyage en ce moment. Fais attention que demain elle ne rentre pas en Palestine a la nage.
Elle non plus n’aime pas beaucoup l’humidité.
Elle est servie dans ton église aux murs qui suintent et aux bénitiers qui se remplissent tout seuls.
Elles ne manquent pas d’imagination mes grenouilles. Qui raconte ça ?
Peu importe ! Imaginons que la vierge fasse trempette dans un tonneau d’eau.
De vie ? De mer ? De rivière ? De pluie ?
Bénite. Réponds ! Vite !
Plâtre, bicarbonate de sodium, acide citrique : elle va fondre.
C’est une blague ?
Oui : elle est vernie.
Excuses moi, Oh hisse !
Pourquoi tu remontes la vierge ?
Pour me faire les muscles.
Si tu veux te faire les muscles, transportes moi donc jusqu’au parapet.
Tu vas faire peur à nos observateurs : tes yeux ont doublé de volume.
Il y a un tonneau dans mes dahlias ? Gros comment ?
Je ne peux pas parler et me faire les muscles en même temps.
Porosité : l’eau va lui monter a la tête.
Comme le sang est descendu a la tienne. Aucun volet n’a grincé.
Capillarité : la corde sera mouillée et…
Oh non ! Ne dis pas le mot !
Explosivité : C’est le prix a payer avec la chimie expérimentale.
Je dois lâcher la corde ?
Oui : elle pourrait se rétracter violemment et nous catapulter notre baigneuse.
Moi je l’ai lâchée, par contre, elle, ne veux pas me lâcher.
J’avais bien remarqué en la nouant a la poutre qu’elle n’aime pas qu’on la serre.
Et elle aime qu’on la coupe ?
Pourquoi tu crois que j’ai gardé mon calme : c’est comme si c’était fait !
Oh non : pas la loupe !
Pardon j’ai confondu son manche avec celui de mon stylo encre, sa plume tranche comme une lame de rasoir, a tel point que s’en est dangereux surtout quand je perd le bouchon et que je dois le mettre derrière l’oreille…
Emmanuel ?
Quoi ?
Coupe, je veux rentrer chez ma mère.
Pardon !
C’est moi qui m’excuse de te couper mais quand tu es nerveux tu es un vrai roman fleuve.
C’est de l’encre de poulpe ça écrit même sous l’eau.
Tu as une cigarette ? J’ai envie d’une cigarette.
Non !
Menteur ! Jures le sur la tête de la vierge !
Juré !
zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzZZZZZZ
Vierge !
ZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZZCRAC
Alors c’est ça un plaquage ? Ça fait tout bizarre !
Mais pas du tout : je t’ai juste prise dans mes bras.
Et tu m’ as dit quoi ?
Mais rien : j’ai eu peur ! C’est tout ! Peur de te perdre.
Moi j’aurais peur de répéter tout ce que j’ai cru entendre.
C’est à dire rien.
Tu n’as pas vu non plus passer comme un éclair ?
C’était la vierge.
Ah ! Et elle est où maintenant ?
Ben tu vois bien : au sol, en petits morceaux.
Ça est un là ? Dans tes cheveux ?
Si ce n’est pas en verre ou en métal : oui.
Oh : c’est un doigt de pied tout noirci par la fumée des cierges.
Elle paraissait beaucoup plus blanche a l’intérieur de l’église.
Je lui ai même trouvé un léger teint vert mousse a la lumière du petit matin.
j’aurais dû faire non seulement le moule mais.aussi la statue en caoutchouc.
Scrchhh
Tu m’avais dit que tu n’avais pas de cigarette.
J’en ai besoin : la statue s’est brisé sur mon dos, ça me change de Bébert !
Ah oui , du coup c’est ta dernière . Comme d’ habitude.
Et comme d’ habitude je ne partagerai pas.
Heureusement que tu l’avais faite poreuse cette vierge.
Ce n’est pas moi, c’est l’ artiste sculpteur que m’avait envoyé Madame Saunières… euh : je veux dire la gouvernante de l’abbé Saunières.
L’un des deux maçons de Rennes le château qui t’ont vidée ta cave ?
Ils avaient utilisé du champagne a la place de l’eau.
Et cassé les cadavres de bouteille pour en remplir la vierge, c’est irrespectueux tout ça non ?
De vitraux ! Si le maître verrier doit revenir réparer les vitraux, ils saura où trouver les chutes.
Réparer ? Ils sont même arrivé a casser le beau bloc de marbre d’Italie !
Il y avait un défaut a l’intérieur. On ne s’en aperçoit qu’en sculptant.
C’est toi qui a un défaut a l’intérieur. Tu crois tout ce qu’on te dit.
D’accord tu n’aimes pas les brutes mais saches que ces deux là étaient aussi d’ incroyables artistes ! Et oui : c’est possible !
Ah Oui : comme le pointillisme appliqué au vitrail ! Déjà que ton église est humide, en plus on n’ y voit rien.
Les grandes inventions résultent souvent d’un accident. Et puis de toute façon tu n’y viens pas.
J’ y viens tant que tu veux dans ton église, mais pas pour la messe.
La spéléologie c’est dangereux !
L’aspectaulaitaulit ? C’est le nom latin pour la chasse aux cristaux ?
Grec ! La spéléologie!
La spéléologie c’est dangereux seul !
Je me vois mal expliquer à Bébert que je t’emmène ramper dans le noir en maillot de bain.
Tu as vérifié les pierres ne seraient pas précieuses ou si les baguettes de jointure ne serait pas de l’or . Saunières avait un trésor.
Je préférerais que tu vérifies que je n’en ai pas plantés dans le dos.
Si tu partages ta cigarette.
Non : ça te fait du mal.
Et qu’est ce que tu attends pour montrer tes gravats aux Schrödinger ?
Pas qu’ils reviennent : ils ne reviendront pas.
C’est leur chat qui te l’a dit ? Les gitans eux reviennent bien !
Oui mais les gitans ils sont rusés : ils apparaissent cinq minutes puis ils repartent.
Ça me fait penser que je repartirait bien avant l’arrivée de la patrouille.
Je n’osais pas te mettre a la porte après tout ce qu’on vient d’endurer côte a côte.
Tu veux dire nombril contre nombril. Fais voir ton dos !
J’enlève mon aube ?
Non : je vais voir a travers.
Ah ! D’accord !
Emmanuel ?
Oui ?
Enlèves ton aube !
D’accord : tu m’aides ?
Je ne fais que ça depuis ce matin j’espère que j’ai gagné mon baiser.
Je n’ai pas le droit et toi non plus ! Tu m’embêtes avec ça !
« Je vous vois monter sur le curé et l’embrasser ! » Voilà ce qu’a dit Gaxuxa.
J’aurai préféré que tu m’embrasses plutôt que tu me griffes.
Mais tu es glissant comme une planche a savon, regardes : ton aube mousse sous les aisselles. C’est quoi encore cet histoire ?
Fanfan me l’a lavée : il a mis une tonne de savon de Marseille qu’il n’ a pas rincé.
Ça a fait amidon. Comme si il avait deviné que tu allais te retrouver a l’envers, il ne serait pas en train de devenir comme toi ?
Je ne vois pas de quoi tu veux parler.
Voyant !
Prévoyant, et ne lui dit pas ça sinon il va croire que Gaxuxa est sa mère.
Ou que toi tu es son père.
Celle là, même le corbeau ne me l’avait pas encore faite.
Non : Fanfan n’est pas comme toi, lui il parle de ce qu’il a dans la tête.
Et maintenant sur les conseils du Marquis, il écrit aussi.
Oh putain !
Marguerite ! Pas de gros mots ici s’il te plaît !
Ce n’est pas grave : je l’ai juste dit ! Pas écrit !
Très drôle , mais si ses paroles restaient, maintenant ses écrits s’envolent. Et son petit vélo aussi.
Quel vélo ? J’ai rien compris ! C’est une prédiction ?
Mais non : son petit vélo dans la tête.
Tu sais ce qu’en dirait bonne maman ?
Oh oui : elle dirait « Que tous les malheurs soient là ! ».
Tu n’as pas une de tes mixtures contre les coups, celle qui sent l’Arnica.
Bébert a plaqué toute l’équipe Dimanche dernier : il est déchaîné en ce moment.
Oui ben si un jour il redort a côté de moi, je l’enchaîne.
Marguerite ne fais pas d’histoire : il y en a assez comme ça. Ce soir tu dors avec ton mari.
Non : je dors chez bonne maman. Et qu’il vienne me chercher si il l’ose.
Il va aller se saouler a la fête et se battre avec tout le monde : je le vois gros comme une maison.
Clac… clac… clac…
Qu’est ce que c’est ?
Mes claquettes !
Mais qui oserait ? C’est très impoli d’utiliser les chaussures des autres sans demander leur permission !
Lou ragan !
Clac…clac… clac…
Vite une corde !
Celle de la cloche ! Ohisseohisseohisseohisseohisse.
Tais toi Emmanuel ! Est ce que je risque de faire sonner la cloche ?
Je m’en charge. Files !
plouf
Bien visé : je vais en plus prendre un bain d’eau bénite ! Embrasses moi !
…
Voilà ! Files !
La bise est venue mais elle ne fut que du vent !
Oui : pardon.
Smack
Qu’est ce que tu embrasses ? Le vide ! Touches moi avec tes lèvres !
Mais ça va pas non ? Tu es tombé sur la tête.
Clac…clac… clac…
Sur une poutre ! Au fait ce soir au carnaval je serais Cyrano : pas de robe.
Au carnaval je n’y vais pas.
Un baiser mais a tout prendre, qu’est ce ?
Le serment fait d’un peu plus près qu’il va me tuer.
C’est le cantonnier ! La corde et le tonneau sont ceux de la mairie !
Clac…clac… clac…
Le cantonnier boîte !
C’est Fanfan alors !
Je l’ai envoyé distribuer le courrier avec la factrice.
Mon baiser ou je te regriffe !
Clac…clac… clac…
Gardes les deux mains sur la corde, malheureuse, et ne touches pas ma nuque : elle est toute savonneuse.
Sur le nez ! Vises bien. C’est un îlot !
Marguerite : je vais te gifler et je n’aurai pas peur d’expliquer a Bonne maman pourquoi !
Que dis je un îlot : c’est un esquif. ! Une poutre !
Smack
Oh tu m’as bien eu !
Je n’ai pas eu beaucoup a monter pour venir la cueillir cette fleur sans pareille.
Clac…clac… clac…
C’est mon frère qui t’a appris cette ruse là ?
Sauf que je montais sur ses pieds pour l’empêcher de se lever sur leurs pointes.
Ça sent la pâquerette !
Quoi ?
Rien ! Files !
C’est le cas de le dire ! Au fait : je te laisses ma robe !
Qui est là ? Annoncez vous bon sang !
zzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzzPLOUF
